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Ma satisfaction sur Vaiana est en équilibre avec ma déception sur Frozen,
et me semble en être un contre-exemple flagrant.
Cette satisfaction a fait son nid dans le lit de mon ex-déception,
et s’en est nourrie, probablement.
Mais j'évoquerai aussi en comparaison quantité d'autres Disney, y compris ceux que j'ai aimés. Car pour moi Vaiana les surpasse presque tous.

Alors voilà : je dirai tout de suite que les flots d'humour, d'épique et de complexité psychologique des personnages (au moins explorée à l’écran) que j'avais trop attendus de Frozen, mais aussi du cinéma ou du cinéma d’animation en général depuis longtemps, c'est Vaiana de Motunui qui me les a apportés. Avec même, ce supplément de grâce et de mystique que je n'espérais plus d'un Disney. Je ne vais pas m’en cacher. Et même si c’est réactionnel tant pis.

 

Frozen me semble moins fougueux, moins émouvant, ses personnages plus binaires, moins fouillés et attachants.

Vaiana, Déesse de l'Eau, du Feu
et de l'Espoir...

 J’ai retrouvé cette vitesse de croisière que j’avais tant appréciée dans Raiponce et désespérément cherchée dans Frozen.
On va et vient, d'un personnage à l'autre, d’un lieu à l'autre. Ils parlent, mais ce ne sont pas de longs bavardages  : c'est vivant, varié, ça passe d’une provoc à une confidence à une allusion. Comme dans les duos désassortis et pourtant complices des comédies de l'âge d'or américain noir et blanc.

Quelques impressions générales en intro :
 

De l'Océan, on en voit, ça oui. Mais quand bien même, toutes les fois où on le voit c'est beau et différent.

De façon générale je trouve, on a vraiment l'impression de passer du temps un peu partout, et même au début, c'est important, sur l'île natale de l'héroïne. La voire vivre et interagir avec son peuple est capital. On est là, on a le temps, avec Vaiana, de s'y attacher.

Je retiens entre autres cette belle scène symbolique : Vaïana, que l'on revoit plusieurs fois danser sur la plage avec sa grand-mère, cette vieille femme qui elle-même passe son temps à onduler au bord de l'eau, mimant des gestes de nage semblant préfigurer sa future incarnation aquatique (mais là je spoile, j'en dis trop). J'aime le moment où Vaiana "couronnée" est prête à "renoncer" à l'Océan mais d'un coup d'œil est happée par cette mamy qui s'obstine à danser sur le rivage, derrière.

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Ainsi lorsque Vaiana partira sauver son île, elle répètera comme un leitmotiv incessant "Je suis Vaiana de Motunui (et tu vas monter sur mon canot..., etc) " qui n'est quand même rien de moins que la dernière phrase héritage de sa grand mère !
Ce véritable mantra sera donc répété tour à tour de manière drôle, héroïque ou en larmes. On sent et partage alors l'amour de l'héroïne à sa terre et à son aïeule. Et ce désir plus fort que tout de savoir qui elle est.
C'est intense, et bien ancré, et bien "écrit".

Le Crabe

Je commence par chroniquer ce personnage, non pas parce que c’est le meilleur, mais pour tout de suite « régler son cas ».

… Si ce n'est pas le meilleur, ce personnage et sa chanson m'ont étonnement séduit.
Je fais partie des quelques fous qui sont total gaga de son hymne.
Oui, je comprends qu'il puisse décontenancer les fans des chansons classiques Disney.
Mais justement je suis ravi de voir cette chanson rentrer dans la discographie Disney, qu'elle vient rafraîchir et dépoussiérer avec une audace tellement kitch, décalée et psychédélique.

David Bowie, George Michael et Prince rencontrent les Fraggle Rocks, la plante carnivore de La petite boutique des horreurs et Tim Curry en travesti du Rocky Horror. En parlant de Tim Curry, j'entends aussi là-dedans du Toxic Love (Exus dans Ferngully).  En prime, une touche de Elton John pop disco-vintage, qui en fera peut-être un futur tube pour gays et drag queen, rien que ça !

Et puis, ce crabe géant de facto, représente l'obscurantisme cynique matériel au dernier stade, seul, aigri sur (ou plutôt sous) son tas d'or. Il raille et défie tout ce en quoi croient les autres personnages du film.
Il est là pour les tester, il est l'antithèse du thème du film. 

Il est dans les profondeurs, au sens propre et figuré, c'est un monstre, au sens propre et figuré, pourri d’or.

Là où Maui le balourd faux superficiel se démarquera de ce pair honteux et s'avèrera sensible et valeureux. Là où la démone de lave, nihiliste terrifiante se révèlera autre. Là où même le chef du village et père de Vaïana bougera.

Ce crabe est le seul qui n'évolue pas, puisqu'il ne sait pas "Who you are", sa personnalité intérieure ayant disparu sous les déchets dorés.

Si statique que le film se termine sur lui, immobile, au fond, tandis qu'à la surface nos héros voyagent...

Je réalise que ce personnage m'a emmené très loin, même n'étant pas le plus profond du film.

En fait, ce qui m'a vraiment interpellé, qui me frappe et me plaît le plus dans ce film, c'est la psychologie des personnages, tant elle est riche, nuancée et vivante : entre Maui et Vaiana, c'est un tourbillon de mille répliques, interactions, mimiques, passages d'humour à émotion. On prend le temps, on a vraiment de quoi grailler et ça, ça va être un régal à voir et revoir.


Si la formule du duo désassorti peut sembler lassante, franchement Disney excelle dedans.

Vaiana (ou Moana dans la V.O)

Parlons-en, de notre tahitienne.
 

C’est simple, jamais vu une héroïne changer autant d'expressions. À côté le jeu d’Elsa est monomaniaque, Mulan passerait presque pour une autiste, et même Raiponce et ma trop sous-estimée Mérida (Rebelle) ne passent pas par tant d'états : excitation, auto-exhortation, lassitude, sérénité, spiritualité, maladresse, débrouillardise, agacement, énergie physique, désespoir, douleur, bonne humeur, dérision, cynisme, larmes aux yeux, grâce, hystérie, altruisme, optimisme.
Oui je suis amoureux de cette demoiselle, cheveux au vent ou en adorable chignon, c’est dit :-)

 

Ses vrais ennemis ne sont ni les crabes ni les noix de coco mais ses conflits intérieurs, entre doute, foi, destin, identité, compétences, amour de sa famille, de ses ancêtres, de sa grand-mère, et dépendance/amitié au gros Maui.
 

Le fin du fin, c'est que pour une sauvageonne pleine de cran, je l'ai trouvée super vulnérable. De corps et d'esprit. Quand elle part pour son aventure, lors de sa première nuit seule, gémissant dans la tempête. Je l'ai trouvée poignante. Quand elle galère entre ses essais persévérants d'apprentie navigatrice et son idiot de coq qui complique tout.

En fait, j'avais peur pour elle tout le temps.

Depuis sa toute première expédition ratée en mer, impressionnante, pour laquelle elle s'embarque avec le petit cochon.
Ses moments de solitude en mer, quand elle perd pied, qu'elle boit la tasse et se débat, me touchent.
Vaiana galère. Et j'aime ça.
Et sans jamais perdre sa fantaisie et son humour (faire des blagues sur la comestibilité de ses 2 "sidekicks" faut le faire !!! :-)).

Donc chapeau. J'y ai cru. 


Car Vaiana n'est pas que drôle, touchante, belle et pugnace, changeante et expressive.
Elle est animée par une force de vie et d'amour spirituelle intense.

On a fièrement vendu son histoire comme celle de la première héroïne Disney sans histoire d'amour (Oui soudain apparemment Mérida, Mulan et Elsa n'ont jamais existé, et ce serait la première fois que Disney tenterait cet effort, bref.).

Et si Vaiana était le film d'amour le plus fort que Disney ai jamais créé ?

Car c'est pour son peuple, sa terre et sa famille, intimement liés à sa grand-mère, et sur l'échelle opposée quasi-cosmique, irrigués par l'amour de La Vie personnifiée en La Déesse Verte elle-même, que Vaïana se bat, apprend, voyage.
Ce faisant, elle bouclera son destin avec la formidable image d'une chef sage et spirituelle qui emmène tous ceux qu'elle aime à la re-découverte du monde. La fin du film nous la présente comme telle, ouvrant des horizons nouveaux, remettant le progrès en marche.
Juste après avoir vécu, il n'en fallait pas moins, une scène aux accents hautement mystiques. La scène de climax final est d'ailleurs même apocalyptique dans sa première moitié; on se dit immédiatement que depuis le démon de Fantasia, Maléfique en dragon, Ursula en monstre marin et Jafar en serpent démoniaque, Disney n'avait plus osé nous offrir un combat final de cet acabit. La démone de lave, avec son corps en fusion, ses moignons ardents, sa bouche et ses yeux fous sans expression réduits à de littérals puits de feu, renvoyant presque au "Cri" de "Munch" par la démence de leur monstruosité sans humanité, sans visage dirait-on presque, campe il est vrai un adversaire de choix, hors de ce monde.


Et Vaiana, avec son déjà culte "Laisse-la venir à moi", marche tout droit, yeux dans les yeux avec la Mort et la Vie.
Dans des tourbillons d'eau et de feu, elle chante à ce monstre amnésique, aliéné sous sa peau calcinée, la berceuse que lui chantait l'Océan enfant. Cette scène finale d'anthologie, vers laquelle tout le film converge, est, vous l'aurez compris, une des raisons qui explique pourquoi ce film me touche et me plait autant.

 

Qu'un cœur séché ou absent diffuse chagrin, violence et destruction de l'humanité n'est pas qu'une idée écologique.

Tout comme le faisait Fantasia 2000, dont les réalisateurs ont eu la fabuleuse idée de reprendre les symboles, cette persistance de la Vie malgré tout est un formidable message d'espoir. Et achève de donner à cette leader charismatique
une aura que Pocahontas et Mulan, déjà très politiques à leur manière, auraient secrètement jalousée.

Et puis, ahhhh, il y a Vaiana bébé... Au niveau gazouillis et expressions/mouvements du nourrisson, ils ont fait un bond de réalisme qui m'a fait fondre.

La cerise sur le gâteau : toute cette scène a pour fond musical lun superbe chant local.

Ce thème de la destinée de Vaiana est d'une force émotionnelle toute en tendresse, douce-amère.
J'ai un rapport particulier et inexplicable à ce morceau. Il m'évoque bizarrement mes origines africaines et l'île de la Réunion où ont grandi mes petites nièces. Il s'en dégage une mélancolie qui me bouleverse.

Et le ré-entendre à la fin, cette fois avec une Vaiana adulte et parvenue à la fin de son parcours initiatique, de nouveau face à la mer qui s'ouvre pour accomplir son destin que l'on sait, c'est plus que je n'en espérais niveau symboles émouvants dans un Disney.

(Version longue originale ici https://www.youtube.com/watch?v=WjI8tcnzA6Q.

Maui

Passons maintenant à mon nouveau meilleur copain :-) et Dieu sait que j'ai dis sur lui les pires vacheries dès que j'ai vu ses premiers croquis.

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Ce Maui, c'est bien simple, j'ai envie de passer des heures à le regarder et à l'écouter.

J’aime tout de lui. Tout du long.


J'aime comme l'animation meut miraculeusement ce corps improbablement massif qui m'avait tant révolté aux premiers coups d'œil.
Sa peau, ses cheveux, ses tatouages, ses hakas.
Son arrogance, ses répliques toujours subtiles.

C'est le moins lourd et vulgaire des personnages Disney, quel comble !
Comme il bouge, danse, parle, comme il crâne, ses réflexes, ses réflexions…

Ce cher génie d'Aladdin quand il exprime ses désirs de liberté, ne vous fera jamais autant vibrer que Maui quand il lâche :
"Oui mes parents m'ont jeté à la mer comme si j'étais... Rien."
Heu... Attendez.
J'ai pas entendu un truc aussi cruel et fort depuis des lustres.

Que Disney ai pas hésité sur ce côté-là de son mythe, chapeau again.
La psychanalyse affleure, ici entre autres.

Lorsque Vaiana insiste maladroitement sur ses origines, le symbole (freudien) de son hameçon, et utilise sa propre histoire pour l'inviter à parler de lui, se libérer et ainsi retrouver le bon flux pour ses transformations, on atteint les confins symboliques du message. En quelques minutes fluides et subtiles. 

Mention enfin pour ses rapports avec le coq, qu'il veut régulièrement engraisser.

J'ai même réussi à le trouver beau, parfois. Et beau aussi lorsqu'il est grave. Contrarié, sévère, en colère, renfrogné.
Et charismatique. Majestueux et impressionnant lors de sa première apparition, dans l'ombre, dans le récit de prologue...


Son destin complexe de Prométhée mâtiné d'Icare, le menant à causer le malheur des hommes alors qu'il cherchait à leur plaire, élève la mythologie à un niveau de réflexion finalement très moderne. Je pense presque à une métaphore de la science et de la technologie prétentieuses, prêtes à tout "pour les hommes", pour nous combler, même à saccager... "notre terre" !

Voilà ma transition toute faite pour aborder quelques chansons du film !


° Si "Le Bleu Lumière" et "Pour les Hommes" ont largement mérité leur popularité, j'en profite pour maintenant ici défendre "Notre Terre", une régalade, super composition.
 

Ce morceau de présentation de l’île, sorte on l'a dit de « Bonjour Belle » version polynésienne, est l’hymne du village. Efficace, mélodiquement addictif ! Vrai coup de cœur depuis la première écoute, et encore plus maintenant que j'ai compris que, visuellement, c'est une scène où il se passe mille choses capitales...
 

Je la trouve jubilatoire, très couleur locale, façon hymne dansant. Presqu'un tube tant c'est catchy. Une publicité Club Med, la jolie rengaine d'un atoll paradisiaque, colliers de fleurs et palmiers compris, refermé sur lui-même, étouffant à force de traditions et de chemins tout tracés.

Cette chanson présente l'air de rien les psychologies croisées du chef père et de son peuple conservateur et sédentaire (en toute sincérité enthousiaste, c'est ce qui est beau), de la mamy tendrement givrée, de Vaïana enfant puis ado, déchirée entre son attachement et l'appel de son destin paradoxal (partir loin pour tous les sauver et les "remettre en marche").
Tout en étant au passage la présentation la plus fidèle des mœurs tahïtiens.

° Zoom à présent sur "We Know The Way", chanson et scène très fortes, au cas où le film en manquerait !


Une très belle idée que cette insertion flash back où les mouvements des vagues se mêlent à des angles de vue incroyables des bateaux, du ciel, de l'écume. Cette scène est à l'image du reste : que toute cette grand-messe se déploie au cœur d'un festival de 3d visuelle à son paroxysme de beauté, alliée à une audace de plans et d'angles de vue comme Disney ne le faisait plus, ne peut qu'ajouter au pouvoir du film.


Car oui, vous le pressentiez, tout le film est un tourbillon d'eau, de lumière, de brumes, d'écume, de sable, de roches, de lave, de feu, de tissus, de vent, de soleil, de lune, de faune, de flore et de ciels azur, étoilés ou embrasés...
Sublimes spectacles sans lesquels le film serait déjà spectaculaire.


Les archipels de la Polynésie, où la beauté de la Nature éclate littéralement aux sens, levaient la barre haut en termes de potentiel visuel. Et Disney n'a pas manqué cette opportunité.

La Grand-Mère

Sur Tala et toutes ses scènes, je ne rajouterai pas grand chose.

Toute la profondeur mystique du film qui relie Vaiana, la déesse verte et l'Océan à cette vieille femme est de haut niveau. Je l’évoque un peu partout dans cet article puisque de facto, son esprit irrigue tout le film.

Pour rappel, ces thèmes du fantôme et de la métempsycose avaient aussi été courageusement mais un peu maladroitement évoqués dans Frère des Ours. Le leg psychologique des défunts est aussi présent dans La Princesse et la Grenouille ou Le Roi Lion, notons-le.

Sina et Tui

Les personnages des parents m'ont plu par leur discrétion efficace.
La relation mère/fille, douce et complice, fonctionne en tous cas, culminant sans prévenir, avec un simple regard bouleversé quand elle surprend Vaiana partir.
Elle l'aide sans mot dire, tandis que résonne la reprise du Bleu Lumière, lui tendant son baluchon, muette d'émotion, soutenant son choix de se "sacrifier" pour les sauver et honorer les volontés de sa belle-mère, au détriment de ce qu'aurait dit le père.


Simple comme un électrochoc…


Climax directement relié à l'embarquement et à l'éblouissant franchissement du récif dans le bleu lumière : un sommet du film, scène déjà culte où le visage bleuté et vibrant de l'héroïne vous marquera.
 

Le père est le parfait héritier de ceux de Mulan, Simba, Pocahontas et La Petite Sirène.
Il a de belles colères, un obscurantisme mêlé de peur, de déni et d’amour débordant pour sa fille.

​​

                                                                        CONCLUSION

 

Pour moi ce film est un travail d'Art éblouissant, spectaculaire au sens propre, plus que Disney ne l'avait tenté auparavant. 

Mon dernier Disney fétiche était Raiponce.
Moi pour qui un bon Disney contient au moins une jeune fille au longs cheveux en haut d'un rocher ;-).

Raiponce, c’était là en même temps sa force, juste avec un cheval, une mère, un couple et une tour (ah oui et une couronne et une... poêle ! ;-)) réussissait déjà à créer un tourbillon d’action, de psychologie, d’ombre et de lumières tellement Disney, tellement charmant.
 

Ariel et Pocahontas étaient mes références des années 90.

 

Sur une idée de départ formidable, Mulan avait inexplicablement afadi tout son potentiel émotionnel.

 

Jim Hawkings, version testostérone qui se cherche, avait tout rallumé.


Vaiana embrase leur flamme à tous, torche à la main, yeux dans les yeux avec l'Océan, son destin, un monstre de feu et la Vie elle-même.

 

Les grandes scènes que je vais prendre un plaisir et une émotion de fou à revoir les prochaines années sont le cadeau de l'océan à Vaiana bébé, la scène de la caverne et sa cosmique chanson, le départ de Vaiana, les scènes émouvantes sur le radeau entre elle et Maui, le départ déchirant de celui-ci, la chanson des ancêtres, la mer finale qui s'ouvre et la scène finale où la nouvelle chef de Motunui guide son peuple, libéré des peurs et des superstitions, vers de nouveaux horizons, plus belle que jamais.

Mais mon Dieu dans quel plan cette fille n'est-elle pas somptueusement belle ? 

Beauté physique, beauté de l'âme, de l'esprit et du cœur ?!

 

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